Des origines à la Révolution Française : la fondation

Aucun document relatif à l'érection de la confrérie Saint-Vincent n'est parvenu jusqu'à nous. La date de 1599 habituellement retenue ne repose sur rien de concret. Sa première mention figure dans l'ouvrage que L.-J. Lalieu consacra à saint Vincent et sainte Waudru en 1886, où l'auteur indique que les archives de la paroisse et la tradition constante portent à croire que la confrérie de Saint Vincent a été érigée canoniquement (...) en vertu d'une Bulle de Clément VIII, en date du 14 mai 1599. Il signale ensuite l'approbation des statuts par l'archevêque de Cambrai, en renvoyant au registre de 1739, encore conservé et où ne figure aucune mention de l'année 1599. En ce qui concerne la bulle, il signale un inventaire des papiers de la confrérie dressé en 1802 et qui, dit-il, fait mention d'une Bulle. Nous avons eu, il y a peu, la bonne fortune d'exhumer ce document que nous pensions perdu. L'article 1 porte effectivement : La bulle du pape et la ratification de l'archeveque de Cambray, cottées a,a, mais sans plus. Aucun des documents signalés par Lalieu n'indique donc cette date du 14 mai 1599 ! Or, si l'on peut admettre que la tradition populaire ait conservé le souvenir de l'année de fondation de l'association,  il serait pour le moins surprenant que le jour précis de l'octroi du bref pontifical se soit encore trouvé dansles mémoires à la fin du XIXe siècle ! Si cette assertion devait s'avérer exacte ou simplement plausible au terme de notre analyse critique, cela voudrait sans doute dire que l'auteur disposait d'une source d'information qu'il n'a pas voulu ou pu révéler.
  
Des origines à la Révolution française
La fondation
Les activités pieuses
Sociabilité profane
Population confraternelle
La confrérie Saint-Vincent au XIXe siècle
Première partie
Deuxième partie
Liste des maîtres de la confrérie
De 1930 à aujourd'hui
De 1599 à 1929
Vie quotidienne
Vincentius
Règlement de la Confrérie
   


En ce domaine, les archives de la confrérie constituent une impasse, les premiers documents originaux n'étant pas antérieurs au dernier quart du XVIIe siècle. Quant aux registres aux délibérations du Vicariat de Cambrai qui gardaient la mémoire des fondations de confréries, aucun ne subsiste plus. Encore faudrait-il être certain qu'il y eût bien, au moment de la fondation, intervention épiscopale.

Vu sous l'angle de l'intervention pontificale, cette affaire soulève deux questions. La première concerne l'objet même de l'acte : s'agissait-il de l'acte d'érection de la confrérie, comme l'affirme Lalieu, ou d'une simple concession d'indulgences ? Nous pouvons répondre à cela avec une quasi-certitude. Jamais nous n'avons rencontré de confrérie érigée par l'autorité pontificale, cet acte étant du ressort de l'ordinaire, voire des seuls confrères. On conserve par contre plusieurs dizaines de brefs d'indulgences octroyés par le Saint-Siège à des confréries hainuyères. Et ce ne sont pas moins de 570 documents de ce type à destination de groupements du diocèse de Cambrai dont font mention, de 1636 à 1794, les archives du Secrétariat aux Brefs.

La seconde question est plus délicate et touche à la forme de ce document. Si l'immense majorité des lettres pontificales d'indulgences à destination des confréries ont été expédiées sous la forme de brefs, comme nous venons de le dire, les plus anciennes d'entre elles (début XVIIe siècle) sont en fait des bulles. Ainsi notamment pour la confrérie Sainte-Waudru à Mons en 1610. Il paraît difficile de trancher.

Toujours est-il que les sondages effectués dans les registres aux suppliques et aux bulles par Monique Maillard, de même que le dépouillement des quelques registres subsistant du Secrétariat aux brefs pour l'année 1599 que nous avons effectué, n'ont jusqu'à présent rien révélé.

Soulignons encore que si les fondations confraternelles entraînaient généralement une demande d'indulgences auprès du Vatican, certains groupements requirent cette faveur à plusieurs reprises et non pas seulement au moment de leur institution. Encore disposerions-nous des lettres originales de 1599, la fondation de la confrérie à cette époque n'en serait-elle donc en rien prouvée.

Face à cette carence documentaire, restait à rechercher des témoignages périphériques, attestant à tel ou tel moment l'existence -ou la non-existence- de l'association. Les chanoines du chapitre de Saint-Vincent avaient coutume aux XVe et XVIe siècles, d'effectuer quelques legs aux confréries locales. À titre d'exemple, les documents testamentaires (1573-1621) relatifs à 26 dignitaires capitulaires conservés dans le recueil 49 du fonds du chapitre de Soignies renseignent des legs aux confréries dans au moins 16 cas. Les plus anciennes mentions de confréries à Soignies proviennent précisément de ces documents Saint-Nicolas (1427), Saint-Eloi (1432), Notre-Dame (1458).

Or, jamais nous ne trouvons citée parmi les dizaines de documents antérieurs à 1599 une confrérie en l'honneur du patron local. Plus même, en 1561, le compte de l'exécution testamentaire de Pasquier Pastoris cite nommément touttes lez confrairies de leglise de Sougnies -tant religieuses que militaires et professionnelles- qui bénéficièrent chacune d'une donation de 20 sous. Il s'agit des confréries du Saint-Sacrement, de Saint-Nicolas, Sainte-Anne, Saint-Crespin, Saint-Sébastien, Saint-Jean-Baptiste, Saint-Eloy, Saint-Christophe, Sainte-Catherine, Saint-Jacques, Sainte-Barbe, Notre-Dame, Saint-Maure, Saint-Anthoine, Saint-Landry et Saint-Hubert. Ce silence quant à une éventuelle confrérie Saint-Vincent nous fournit un terminus post quem tout à fait fiable.

Mais il y a mieux. Les comptes de l'église comportent chaque année un chapitre intitulé : Mises et delivrances faictes et payés par ce dict receveur tant pour despens qui s'engendrent a la procession de Sougnyes come pour gages (..). Le parti à tirer d'un tel document se perçoit aisément lorsque l'on sait que les confrères percevaient annuellement du chapitre une gratification pour porter les châsses lors de la procession, ainsi que pour réparer les chemins. En 1593-94 (procession de 1594), comme déjà en 1569, le compte signale : Aux porteurs monsieur saint Vinchien pour avoir esté refaire les chemins pour aller la procession. LX sous et Aux porteurs dudit saint pour leurs salaire d'avoir porté le corps monsieur saint Vinchien le jour de la procession et aultres XVI livres. Aucune trace donc de confrères. Après une lacune de cinq années, le compte de 1600-1601 suscita naturellement tout notre intérêt : Aux confreres et porteurs saint Vinchien pour avoir esté reffaire les chemins de la procession comme de coustume payez LX sous et Ausditz confreres porteurs de la confrarie monsieur saint Vinchien pour leur sallaire davoir porté le corps de monsieur saint Vinchien le tour de ladite procession par commandement de messeigneurs at estez payez XVI livres. La conclusion est évidente: absente en 1569 et 1594, la confrérie participa bien à la procession de 1601.

Le document de 1599 cité par Lalieu peut donc bien être replacé dans le contexte de la fondation de la confrérie. Cela ne signifie pas que la fondation date de 1599 précisément. Elle put être érigée peu auparavant, voire l'année suivante, mais le décalage ne saurait être très grand.

Les sept années séparant l'octroi des indulgences de l'approbation des statuts par l'archevêché de Cambrai ne soulève guère d'opposition. Durant le XVIe siècle, nombre de groupements confraternels s'auto-instituèrent en dehors de toute intervention épiscopale. Ce fut le cas des confréries du Saint-Sacrement ou de la Sainte-Face à Soignies, du Saint-Sacrement à Horrues ou de Saint-Pierre à Neufvilles. Si peu à peu le pouvoir archiépiscopal imposa son autorité en ce domaine, en témoignent plusieurs interventions de Louis de Berlaymont dans les dernières décennies du XVIe siècle, il fallut néanmoins attendre 1604 et la constitution pontificale Qaecumque pour voir se systématiser les érections et approbations épiscopales des confréries et de leurs statuts. Il n'est donc pas impossible que les confrères de Saint-Vincent aient reçu une confirmation épiscopale après la promulgation de cette constitution, comme nombre de groupements dans le diocèse voisin de Tournai.
 

   
 
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