En ce domaine, les archives de la confrérie
constituent une impasse, les premiers documents originaux
n'étant pas antérieurs au dernier quart
du XVIIe siècle. Quant aux registres aux délibérations
du Vicariat de Cambrai qui gardaient la mémoire
des fondations de confréries, aucun ne subsiste
plus. Encore faudrait-il être certain qu'il
y eût bien, au moment de la fondation, intervention
épiscopale.
Vu
sous l'angle de l'intervention pontificale, cette
affaire soulève deux questions. La première
concerne l'objet même de l'acte : s'agissait-il
de l'acte d'érection de la confrérie,
comme l'affirme Lalieu, ou d'une simple concession
d'indulgences ? Nous pouvons répondre à
cela avec une quasi-certitude. Jamais nous n'avons
rencontré de confrérie érigée
par l'autorité pontificale, cet acte étant
du ressort de l'ordinaire, voire des seuls confrères.
On conserve par contre plusieurs dizaines de brefs
d'indulgences octroyés par le Saint-Siège
à des confréries hainuyères.
Et ce ne sont pas moins de 570 documents de ce type
à destination de groupements du diocèse
de Cambrai dont font mention, de 1636 à 1794,
les archives du Secrétariat aux Brefs.
La
seconde question est plus délicate et touche
à la forme de ce document. Si l'immense majorité
des lettres pontificales d'indulgences à destination
des confréries ont été expédiées
sous la forme de brefs, comme nous venons de le dire,
les plus anciennes d'entre elles (début XVIIe
siècle) sont en fait des bulles. Ainsi notamment
pour la confrérie Sainte-Waudru à Mons
en 1610. Il paraît difficile de trancher.
Toujours
est-il que les sondages effectués dans les
registres aux suppliques et aux bulles par Monique
Maillard, de même que le dépouillement
des quelques registres subsistant du Secrétariat
aux brefs pour l'année 1599 que nous avons
effectué, n'ont jusqu'à présent
rien révélé.
Soulignons
encore que si les fondations confraternelles entraînaient
généralement une demande d'indulgences
auprès du Vatican, certains groupements requirent
cette faveur à plusieurs reprises et non pas
seulement au moment de leur institution. Encore disposerions-nous
des lettres originales de 1599, la fondation de la
confrérie à cette époque n'en
serait-elle donc en rien prouvée.
Face
à cette carence documentaire, restait à
rechercher des témoignages périphériques,
attestant à tel ou tel moment l'existence -ou
la non-existence- de l'association. Les chanoines
du chapitre de Saint-Vincent avaient coutume aux XVe
et XVIe siècles, d'effectuer quelques legs
aux confréries locales. À titre d'exemple,
les documents testamentaires (1573-1621) relatifs
à 26 dignitaires capitulaires conservés
dans le recueil 49 du fonds du chapitre de Soignies
renseignent des legs aux confréries dans au
moins 16 cas. Les plus anciennes mentions de confréries
à Soignies proviennent précisément
de ces documents Saint-Nicolas (1427), Saint-Eloi
(1432), Notre-Dame (1458).
Or,
jamais nous ne trouvons citée parmi les dizaines
de documents antérieurs à 1599 une confrérie
en l'honneur du patron local. Plus même, en
1561, le compte de l'exécution testamentaire
de Pasquier Pastoris cite nommément touttes
lez confrairies de leglise de Sougnies -tant religieuses
que militaires et professionnelles- qui bénéficièrent
chacune d'une donation de 20 sous. Il s'agit des confréries
du Saint-Sacrement, de Saint-Nicolas, Sainte-Anne,
Saint-Crespin, Saint-Sébastien, Saint-Jean-Baptiste,
Saint-Eloy, Saint-Christophe, Sainte-Catherine, Saint-Jacques,
Sainte-Barbe, Notre-Dame, Saint-Maure, Saint-Anthoine,
Saint-Landry et Saint-Hubert. Ce silence quant à
une éventuelle confrérie Saint-Vincent
nous fournit un terminus post quem tout à
fait fiable.
Mais
il y a mieux. Les comptes de l'église comportent
chaque année un chapitre intitulé :
Mises et delivrances faictes et payés par ce
dict receveur tant pour despens qui s'engendrent a
la procession de Sougnyes come pour gages (..).
Le parti à tirer d'un tel document se perçoit
aisément lorsque l'on sait que les confrères
percevaient annuellement du chapitre une gratification
pour porter les châsses lors de la procession,
ainsi que pour réparer les chemins. En 1593-94
(procession de 1594), comme déjà en
1569, le compte signale : Aux porteurs monsieur
saint Vinchien pour avoir esté refaire les
chemins pour aller la procession. LX sous et
Aux porteurs dudit saint pour leurs salaire d'avoir
porté le corps monsieur saint Vinchien le jour
de la procession et aultres XVI livres. Aucune
trace donc de confrères. Après une lacune
de cinq années, le compte de 1600-1601 suscita
naturellement tout notre intérêt : Aux
confreres et porteurs saint Vinchien pour avoir esté
reffaire les chemins de la procession comme de coustume
payez LX sous et Ausditz confreres porteurs de la
confrarie monsieur saint Vinchien pour leur sallaire
davoir porté le corps de monsieur saint Vinchien
le tour de ladite procession par commandement de messeigneurs
at estez payez XVI livres. La conclusion est évidente:
absente en 1569 et 1594, la confrérie participa
bien à la procession de 1601.
Le
document de 1599 cité par Lalieu peut donc
bien être replacé dans le contexte de
la fondation de la confrérie. Cela ne signifie
pas que la fondation date de 1599 précisément.
Elle put être érigée peu auparavant,
voire l'année suivante, mais le décalage
ne saurait être très grand.
Les
sept années séparant l'octroi des indulgences
de l'approbation des statuts par l'archevêché
de Cambrai ne soulève guère d'opposition.
Durant le XVIe siècle, nombre de groupements
confraternels s'auto-instituèrent en dehors
de toute intervention épiscopale. Ce fut le
cas des confréries du Saint-Sacrement ou de
la Sainte-Face à Soignies, du Saint-Sacrement
à Horrues ou de Saint-Pierre à Neufvilles.
Si peu à peu le pouvoir archiépiscopal
imposa son autorité en ce domaine, en témoignent
plusieurs interventions de Louis de Berlaymont dans
les dernières décennies du XVIe siècle,
il fallut néanmoins attendre 1604 et la constitution
pontificale Qaecumque pour voir se systématiser
les érections et approbations épiscopales
des confréries et de leurs statuts. Il n'est
donc pas impossible que les confrères de Saint-Vincent
aient reçu une confirmation épiscopale
après la promulgation de cette constitution,
comme nombre de groupements dans le diocèse
voisin de Tournai.
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