La confrérie au XIXe siècle - Deuxième partie


Sous le régime hollandais, seules les processions du Saint-Sacrement et de la Pentecôte se déroulaient en ville. En juin 1832, le curé Maximilien de Saint-Moulin demande à son évêque que les deux autres processions, celles de l'Ascension et de Saint-Vincent, puissent avoir lieu à l'extérieur de l'église. Le doyen invoque comme arguments que ces deux processions circulaient anciennement avec piété dans la ville, sans le Saint-Sacrement, avec la châsse du saint patron et de nombreuses reliques de saints et qu'actuellement elles étaient limitées dans l'église, sans développement et avec beaucoup de gêne. Les confrères de Saint-Vincent et de nombreuses
autres personnes demandent à les faire dans la ville, de plus les autorités civiles n'y voient pas d'obstacle. Un des objectifs de cette supplique est également d'obtenir du ciel, par l'intercession de notre glorieux patron, d'être préservés du choloras. Une réponse positive est donnée à la supplique quelques jours plus tard, tout en se limitant aux abords de l'église.

Les confrères ne se bornent pas à suivre les processions. Le 16 juillet 1837, ils votent une amende de 3 sous 2 liards (32 centimes) pour qui ne remplirait pas sa tâche. A tour de rôle, les confrères de Saint-Vincent portent le corps de leur protecteur ou de saint Landry ou encore le baldaquin. Précédé de la bannière de la confrérie, le baldaquin accompagne le viatique lorsqu'il est porté à un confrère; d'autres confrères peuvent le suivre avec des flambeaux.
  
Des origines à la Révolution française
La fondation
Les activités pieuses
Sociabilité profane
Population confraternelle
La confrérie Saint-Vincent au XIXe siècle
Première partie
Deuxième partie
Liste des maîtres de la confrérie
De 1930 à aujourd'hui
De 1599 à 1929
Vie quotidienne
Vincentius
Règlement de la Confrérie
   

Une résolution du 7 mai 1739 introduit une messe d'agonisant, dite pour tout confrère dangereusement malade. A son décès, les confrères assistent aux funérailles et passent à l'offrande. Par la suite, la confrérie organise à ses frais un obit chanté pour chaque confrère décédé et six messes pour le repos de son âme.

Les anciens archevêques de Cambrai avaient en leur temps accordé un autre avantage spirituel : une indulgence de quarante jours aux personnes qui visiteraient l'église Saint-Vincent à Soignies le jour du saint patron et qui y prieraient aux fins ordinaires. En 1832, selon le constat que le recours vers Dieu, par cet intercesseur, pour les besoins spirituels et temporels, augmente depuis nombre d'années, le doyen de Saint-Moulin supplie son évêque au nom du clergé et des habitants de la Cité sonégienne d'accorder -en l'étendant quelque peu- cette indulgence à toute personne de la paroisse ou étrangère qui prierait dans l'église dans l'octave de Saint-Vincent et le lundi de Pentecôte. Monseigneur Jean-Joseph Delplancq accepte pourvu qu'il soit récité chaque fois un pater et un ave, avec les actes de foi, d'espérance, de charité et de contrition. Cette indulgence sera a nouveau accordée par Monseigneur Edmond Joseph Dumont le 23 juin 1876.

Dans le cadre de l'érection canonique de la nouvelle confrérie, le pape Pie IX accorde, par un indult du 19 mai 1876, une indulgence plénière à tous les confrères. Pour l'obtenir, ils se confessent et reçoivent la sainte communion le jour de leur entrée ou le dimanche suivant. A l'article de la mort, ils invoquent dévotement notre seigneur Jésus Christ après s'être confessés et avoir communié. A la Pentecôte, à la fête de Saint-Vincent, à l'Assomption et à la Toussaint, ils reçoivent les sacrements de pénitence et d'eucharistie, visitent l'église et y prient. Une indulgence identique est accordée à tout fidèle qui reçoit les mêmes sacrements et qui fait le pèlerinage le lundi de Pentecôte et récite cinq pater et cinq ave. Par décret de la Congrégation des Indulgences du 6 octobre 1870, ces indulgences sont applicables aux âmes du Purgatoire; la communion peut être reçue la veille du pèlerinage ou dans une autre église que celle de Soignies. Selon la lettre du vicaire général Haliez au doyen François, l'indult est de stricte interprétation et il n'est pas nécessaire de faire le Grand Tour, la visite de l'église suffit.

Le 15 mai 1845, le vicaire général Descamps procède à une visite de l'église paroissiale de Soignies. Dans son rapport, deux points intéressent les confréries sonégiennes. Dans un premier temps, il charge le curé-doyen de visiter les bannières et étendards de toutes les confréries et de veiller, sous sa responsabilité personnelle, à réparer ceux qui seraient en mauvais état (déchirure, rouille). Le plus important est qu'il est fait mention de quinze associations pieuses, dont trois seulement paraissent en ordre. Le doyen devra "débrouiller ce chaos et mettre à l'ordre tous les directeurs de ces confréries". En effet, ils se seraient rendus indépendants de leur curé.

En 1859, il est dressé un tableau des confréries; elles n'y sont plus que dix. Celle de Saint-Vincent y apparaît bonne dernière et de toutes les informations qui pourraient être reprises dans le tableau, il n'y a qu'une observation en ce qui concerne son administration. Il y est fait état qu'un seul et unique membre gère l'association avec l'accord, explicite ou implicite, des autres.

Que ce soit en 1845 ou en 1859, ces remarques sont, somme toute, dans la logique même des choses au regard des statuts que les confrères de Saint-Vincent se sont donnés (1739) et qu'ils continuent d'appliquer (1836). Ce document qui règle la vie de l'association ne donne aucune indication quant aux rapports que la confrérie entretient avec le curé, et parle encore moins de tutelle spirituelle. Comme il a étê dit plus haut, la majeure partie des pouvoirs de la société est entre les mains d'un seul homme, le maître.

Les statuts de 1876, revus en 1981, vont résoudre ces pierres d'achoppement. Les postes à responsabilités vont s'accroître démocratiquement. Le curé de la paroisse devient de droit le directeur spirituel de la confrérie. Les nominations et les fonctions des connétable, maître, sous-maître et trésorier-secrétaire sont clairement et largement définies. Il en va de même des deux structures représentatives, le conseil et l'assemblée générale. Ces modifications reconnaissent certaines pratiques de droit et de fait, comme le rôle du connétable et des anciens confrères, le mode de nomination du maître ou encore la place du curé au sein de l'association pieuse. Néanmoins, ce passage -cet accouchement- ne s'est pas déroulé sans difficultés.

Le 16 juillet 1871, suite à l'occupation de Rome, un grand pèlerinage diocésain va regrouper à Soignies près de 40 000 personnes, dont Mgr Catiani, nonce apostolique et le vicaire général Ponceau, représentant Mgr Labis, évêque de Tournai. De nombreuses châsses y participeront. Cet événement va probablement être un catalyseur en vue de la célébration du douzième centenaire de la mort de saint Vincent qui aura lieu en 1877. Et, en corollaire, un regard sera porté sur la confrérie qui n'aurait pas été restaurée canoniquement après le concordat et qui aurait ainsi perdu ses avantages spirituels.

"En 1873, une nouvelle commission est nommée"; elle sera vraisemblablement présidée par le doyen François. Le coffre de la confrérie se trouvait alors chez un certain Maximilien Dubois, cabaretier au faubourg d'Enghien. Le détenteur de sa clef en est un Laveine, qui refuse de la donner à la commission. Celle-ci décide de forcer le coffre. R. Riche indique que cela ne s'est pas fait " sans que la justice ait eu à intervenir mais sans suite ". Quelques mois plus tard, en 1876, Jules-César François présente les nouveaux statuts à son évêque, non sans avoir effectué des recherches à Rome. Mgr Dumont les approuve en juin de la même année. Le cap de la modernité vient d'être franchi face à une réticence de certains, sclérosés par l'inertie, une réticence teintée de traditionalisme, voire de protectionnisme.

Au cours du XIXe siècle, la vie de la confrérie Saint-Vincent de Soignies est marquée par deux jalons. Les années 1830, avec le dynamisme du curé Maximilien de Saint-Moulin, voient l'épanouissement de la vitalité catholique après les durs moments du régime hollandais. La confrérie repart sur ses bases de l'Ancien Régime. Les années 1870 voient des réformes sociales et l'anniversaire du décès du saint patron et préparent la guerre scolaire. La paroisse de Soignies est placée sous le décanat de Jules-César François. Ce curé a voulu accomplir des réformes et a dû affronter de nombreuses contradictions; en 1879, il sera même démis de ses fonctions durant quelques mois.

L'histoire de la confrérie Saint-Vincent de Soignies au XIXe siècle a ainsi été empreinte de la vie des hommes qui l'ont constituée et côtoyée. Les documents littéraires et les sources d'archives qui ont permis de la relater pendant ces 75 années sont peu nombreux et il en a été modestement retiré le plus possible.

Le trait caractéristique de cette période est sans nul doute la transition, quelque peu lente, de cette association d'un ancien régime à sa contemporanéité. Un certain nombre de redondances pourraient apparaître à la lecture d'autres contributions traitant de la confrérie avant 1801 et après 1876. C'est évident, pas mal d'éléments flagrants signalent la continuité : l'usage des statuts, la reconnaissance des indulgences et les pratiques religieuses comme marques de dévotion envers saint Vincent. Les principes de base étaient déjà présents en 1801. Le XIXe siècle ne les a, en fait, qu'adaptés, remaniés au travers de la pratique de l'époque et des moeurs du temps. Fondamentalement, les expressions de la vie associative et les devoirs et avantages spirituels demeurent identiques; l'évolution est essentiellement formelle et s'oriente vers une démocratisation interne.

Pour conclure, voici la citation qui introduit le règlement de la confrérie Saint-Vincent dans le diplôme d'admission édité en 1982. " La véritable tradition, ce n'est pas seulement de refaire les gestes que les autres ont fait, c'est aussi et surtout de conserver l'esprit qui les a fait faire, et qui pourrait en susciter d'autres en d'autres temps ".
 

   
La confrérie Saint-Vincent au XIXe siècle - Première partie
Liste des maîtres de la confrérie : de 1930 à 2001
  
 
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