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Des origines à la révolution Française
: population confraternelle |
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Manifestement,
la pratique du numerus clausus, fréquente
au XVIe siècle, mais éradiquée
par la suite, survécut ici. Le nombre des
confrères n'excéda jamais les trente-deux
unités avant 1739. En règle générale,
les entrées correspondaient d'ailleurs aux
sorties. L'inscription d'un confrère n'avait
rien de banal. Au XVIIIe siècle en tous cas,
un acte par lequel le nouveau venu s'engageait à
respecter les statuts en vigueur était dressé
officiellement et signé par l'intéressé,
pratique pour ainsi dire unique en son genre
Le
consentement des confrères en place était
systématiquement requis pour chaque inscription.
Rien à voir donc avec la perspective d'ouverture
au plus grand nombre adoptée par les confréries
post-tridentines classiques.
Comme
l'on peut s'en douter au vu des usages dont nous
venons de faire état, l'appartenance à
une telle association entraînait des dépenses
non négligeables. Six livres, puis 8 au plus
tard en 1739, étaient
exigées à la réception, taxe
particulièrement
élevée, alors que la majorité
des confréries se contentaient aux XVIIe
et XVIIIe siècles d'un droit d'entrée
modique, voire s'en remettaient à la libre
générosité des récipiendaires.
A cela, s'ajoutait encore pour chaque confrère
sa portion des débours annuels, non couverts
par les rentrées fixes de l'association,
soit au cours du XVIIe siècle entre 4 livres
16 sous et 8 livres 15 sous, pour une moyenne de
6 livres 8 sous. A la mort enfin, une issue de 2
livres et un jambon de 3 florins (soit 6 livres),
était encore de mise. En 1676-1677 déjà,
il est fait mention de dépenses réalisées
le jour où fut mangé le jambon du
bailli, sans pain ny moustarde, précisa-t-on.
De tels coûts excluaient bien sûr de
facto tout qui ne bénéficiait
pas d'une aisance financière minimale.
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Les résultats de l'ébauche d'analyse
sociologique des confrères que nous avons tentée
confirment le caractère fermé du groupement.
Nous avons comparé la liste des confrères
de 1676-1677 avec l'assiette de l'imposition de 1674
destinée à payer les sauvegardes
dont il avait fallu doter la ville en juin. Le
taux d'imposition fut fonction de la richesse de chacun.
Sur les 31 confrères, 12 n'ont pas pu être
identifiés parmi les contribuables et 3 étaient
des chanoines. Aucun des 16 autres ne figurait parmi
les pauvres exemptés. Alors que la taxe
moyenne par chef de feu fut de 2 livres 12 sous, chez
les confrères cette moyenne se situa dans une
fourchette allant de 4 livres à 4 livres 5
sous. Ce qui, sans faire de tous les membres de l'association
des notables, dénote chez la plupart d'entre
eux un revenu au-dessus de la moyenne.
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L'âge
moyen des confrères était élevé
: 42 ans en 1681, 45 ans en 1746, avec des minima
de 28 et 29 ans. Cela est confirmé par l'âge
des nouveaux venus. Entre 1738 et 1792, il était
en moyenne de 33,8 ans. Les plus jeunes associés
affichaient 21 printemps. Le phénomène
suivit même une courbe ascendante, avec un plafonnement
à 36,5 ans après 1771.
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Population
de la confrérie
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Périodes
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Totaux
entrées
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Confrères
identifiés
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Age
moyen
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1738-1750
1751-1760
1761-1770
1771-1785
1792-1796
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Les
ecclésiastiques constituèrent toujours
une faible minorité dans l'association. Toutes
les listes connues renseignent quelques chanoines,
sans plus. Il est cependant étonnant de constater
que plus aucun d'entre eux ne rejoignit les confrères
après 1741. Cela résulte-il d'un litige
entre le chapitre et la confrérie ? Nous l'ignorons.
Il faudra attendre 1792 pour assister à un
renversement de cette tendance.
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Entrées
dans la confrérie
(1738-1795)
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Années
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Entrées
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Moyennes/an
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1738-1740
1741-1745
1746-1750
1761-1765
1766-1770
1771-1775
1776-1780
1781-1785
1792-1796
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2,6
2,6
4,8
2
1,4
1,6
2,6
1
8,75
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Les
sources ne permettent pas de dresser une courbe
précise de l'évolution de la
population. Néanmoins, en analysant
les inscriptions à partir de 1738,
nous constatons, jusqu'en 1745, une moyenne
annuelle de 2,6 réceptions, chiffre
important pour ce type de groupement. De 1746
à 1750, on en arrive même à
4,8 entrées par an. Par la suite, la
moyenne chute jusqu'en 1785, malgré
un léger soubresaut entre 1776 et 1780.
Sans doute est-ce là l'effet classique
de retombée de l'engouement que l'on
constate dans les confréries au cours
des années suivant la fondation ou,
comme c'est ici le cas, une modification des
statuts (suppression du numerus clausus)
qui permit à un plus grand nombre
d'y accéder à partir de 1739.
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Après
l'interruption de ses activités de 1786 à
1791, la population de la confrérie connut
une véritable explosion : 17 entrées
en 1792, 14 encore l'année suivante. Parmi
les nouveaux venus, un nombre important d'ecclésiastiques.
Cela, bien sûr, est à relier au contexte
politico-religieux de l'époque.
Tout ceci concorde à faire voir en la confrérie
Saint-Vincent une confrérie traditionnelle,
typique de l'époque pré-tridentine.
Sans être dépourvue d'intentions pieuses,
elle s'articule autour de pratiques profanes. Il est
à ce titre significatif de constater l'exclusion
des femmes et l'âge élevé des
membres, preuves de son caractère atypique
par rapport à la tendance générale
de l'époque. Société de prestige,
élitiste, elle n'admet en son sein que des
personnes capables de financer ses dépenses
élevées et s'intégrant dans une
forme de sociabilité qui n'a rien de populaire.
Soignies, il est vrai, constitua en matière
de confréries une situation originale, les
groupements y conservant souvent encore au XVIIe siècle
un caractère traditionnel. C'est seulement
durant le dernier siècle de l'Ancien Régime
que se manifesta une légère ouverture.
Sans conteste, la confrérie Saint-Vincent constitua
un des exemples clés de ce particularisme local.
Ce
chapitre "Des origines à la Révolution
française" est la reproduction d'une prartie
d'un article (les pages 132-138) écrit par
Monsieur Philippe Desmette : DESMETTE (Philippe),
Le culte de saint Vincent à Soignies sous
l'Ancien Régime. Contribution à l'étude
des ses principales manifestations, dans Saint
Vincent de Soignies. Regards du XXe siècle
sur sa vie et son culte, Soignies, 1999, p.123-158.
(Les Cahiers du Chapitre, n°7). Nous le remercions
pour son autorisation à reproduire son article.
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