Enfin,
un nouvel opuscule est publié à l'intention des pèlerins;
il rappelle l'histoire du culte de saint Vincent et
de la collégiale, guide le pèlerin dans ses pratiques
de dévotion et remémore certains souvenirs historiques
liés au culte précité. Il est mis en vente à l'offranderie
desservie par le sacristain Vincent Riche, ainsi qu'au
bureau de l'hebdomadaire local " L'Impartial ", qui
s'empresse d'en publier le contenu dans ses éditions
des dimanches 14 et 21 mai.
N'hésitant pas à écrire " qu'on ne saurait trop bien
faire pour relever ces solennités qui intéressent
la cité tout entière" (fut-ce au niveau du commerce
!), cet hebdomadaire chrétien n'en reconnaît pas moins
: "Ce qui frappe le plus dans la procession, c'est
encore et toujours la grande châsse de saint Vincent
et celle du Chef de notre glorieux Patron. C'est autour
des précieux restes du grand saint que se concentrent
la vie et le mouvement, expressions touchantes de
la foi du peuple. Saint Vincent, priez pour nous,
Soignies a tant besoin de votre secours ". De nos
jours encore, la signification reste avant tout religieuse
: la procession historique nous presse de vivre toujours
mieux, au quotidien, de la vie de notre Baptême.
Un autre hebdomadaire d'inspiration chrétienne, "La
Gazette de Soignies", signale l'édition, au prix de
10 centimes, " d'un programme donnant le détail du
cortège, les noms des nouveaux figurants ainsi qu'une
notice sur la procession "
Si la pluie contrarie finalement la sortie de cette
grande procession du lundi 22 mai 1899, il n'en reste
pas moins "qu'on n'a jamais vu çà à Souguies "; tel
est en tout cas le cri du cour d'un spectateur De
toute façon, l'envol est pris et la publicité -déjà,
par exemple, dans l'édition du mardi 18 avril du journal
"Le XXe siècle"- n'est pas passée inaperçue.
D'autres groupes historiques se succèdent donc au
fil des lundis de Pentecôte, mais toujours sans que
l'ordonnance antérieure de la procession s'en trouve
affectée. Derrière la croix et les acolytes, apparaissent
d'abord la longue file des statues, bannières et reliquaires,
portés par des jeunes gens, ainsi que les groupes
de jeunes filles.
Sous un soleil cette fois prodigue de ses rayons,
la première procession du XXe siècle est complétée,
à grand renfort de trompettes, hallebardiers, arquebusiers
et chevaliers de la Toison d'Or, d'une évocation du
passage à Soignies et en sa collégiale, le 3 septembre
1549, de l'archiduc Philippe, fils de Charles-Quint
et futur Philippe Il.
Ensuite, 1901 remémore l'octroi à la cité d'une charte-d'affranchissement
par le comte de Hainaut Baudouin IV, dit le Bâtisseur,
en 1142.
Est-ce à dire que ces innovations soulèvent l'enthousiasme
général? Certes non, si l'on en juge par telle ou
telle critique. Ainsi, par exemple, un "saudart" exprime-t-il
son désappointement, le dimanche 2 juin 1901, dans
les colonnes de l'hebdomadaire socialiste "Le Clairon".
Il regrette que le collège échevinal refuse un subside
aux lanciers, contraignant des ouvriers à organiser
une collecte pour couvrir leurs frais de participation
à la procession, mais engage en revanche des frais
au profit d'initiatives de prestige.
Quoi qu'il en soit, il n'est plus guère question de
faste historique à compter de 1902. Mais les autres
groupes continuent à faire l'objet des meilleurs soins.
Vient alors le temps de querelles politiques plus
marquées, qui aboutissent à l'absence de l'Homme de
fer, privé d'armure, au Tour et à la procession de
rentrée du lundi 8 juin 1908. Cette armure appartient
toujours au pouvoir communal à cette époque où le
"parti catholique" est minoritaire.
L'Homme de fer réapparaît le lundi 31 mai 1909, en
même temps qu'éclôt " une phalange de 150 enfants
portant une palme sur des costumes chamarrés d'or
". Derrière eux, prend place la Maîtrise de la collégiale;
ses choristes portent en bandoulière une écharpe aux
couleurs de Soignies. "La fanfare se joint à eux et,
pour la première fois, on exécute le choral-marche
de Reyns -un compositeur brugeois- harmonisé et mis
en paroles par un sonégien : "Célébrons par nos accents
...
Un nouveau groupe d'enfants fait surface l'année suivante.
Ils sont vêtus d'un manteau de pourpre garni d'hermine.
Mais voici que l'Homme de fer fait parler de lui.
Au retour du faubourg d'Enghien, le lundi 12 mai 1913,
il se met à "lancer son cheval à droite à gauche,
caracolant, comme on disait autrefois, tout le long
de la procession ", ce qui suscite immanquablement
des commentaires négatifs. Une procession requiert,
il est vrai, sérieux et tenue digne.
Le lundi 1er juin 1914, telle un mauvais présage,
"une pluie fine et persistante ne cesse de tomber
jusque midi ". Seuls, les tambours, la fanfare Sainte-Cécile
et un groupe d'enfants et de chantres escortent, avec
des cavaliers et l'Homme de fer, saint Vincent jusqu'en
sa collégiale. Ce n'est cependant que partie remise
: ultime satisfaction à la veille d'un conflit long
et meurtrier, la solennité de la fête de saint Vincent,
favorisée le dimanche 19 juillet par un temps splendide
distillant " une note joyeuse et charmante ", donne
d'admirer pour la première fois les nouveautés absentes
le lundi de Pentecôte. Il s'agit tant d'un groupe
représentant saint Landry, costumé richement et monté
sur un cheval blanc ", que du " groupe chantant des
jeunes filles entourant les reliques de sainte Waudru
et costumées en suivantes de la sainte, portant au
front une couronne dorée et à la main un bâton surmonté
d'une croix et orné d'une flamme et de rubans aux
couleurs de saint Vincent ".
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