Le
choix du point de départ
Comment expliquer le choix du faubourg d'Enghien comme
point de départ du Grand Tour proprement dit
ainsi que le sens (en l'occurrence celui des aiguilles
d'une montre -qui est d'ailleurs aussi celui du soleil)
de ce large périple autour de l'église
et de la ville de saint Vincent?
Utilisé sans doute par les "burgenses"
comme une (ré)affirmation de la "franchise",
la Grand Tour est aussi le moment d'une prière,
d'une demande de protection. Le fait que ce tour se
déroule au lendemain de la Pentecôte,
cinquante jours après Pâques, au meilleur
moment du printemps, au seuil parfois de l'été,
n'est probablement pas non plus indifférent.
C'est peut-être d'abord le signe que le acteurs
de ce culte se placent un peu en dehors du calendrier
liturgique "officiel". Après la fête
de l'Eglise (le dimanche de la Pentecôte) vient
la fête des fidèles, en dehors du jour
du seigneur. Mais la Pentecôte a également
sa signification particulière que de nombreuses
manifestations religieuses ou folkloriques (et notamment
l'une ou l'autre marche militaire dans l'Entre-Sambre-et-Meuse)
soulignent. Parmi ces manifestations, nous pensons
spécialement à la Marche de Sainte--Rolende
à Gerpinnes.
Typologie du Grand Tour
La parenté qui unit la procession du lundi
de la Pentecôte à une limite administrative
amène à évoquer les "bans
Croix". On désignait de cette manière
des processions dont l'origine remontait au 7e ou
au 8e siècle et qui se déroulaient au
moment de la Pentecôte. Ces processions, conçues
également en termes de périples à
connotation territoriale, avaient la particularité
d'exprimer l'hommage ou la dépendance d'une
paroisse à l'égard d'un chapitre cathédral
(Saint-Lambert de Liège en l'occurrence) ou
d'une abbaye (telle Lobbes) ayant le droit de nommer
le curé de la localité.
Certaines de ces processions comportaient des épisodes
dansés (comme celui de la "tierre à
l'danse" à Thiméon lors de la Marche
de la Madeleine de Jumet). Nous soulignons cette particularité
car on constate au 18e siècle l'intervention
de l'autorité canoniale de Soignies en vue
d'empêcher la population de danser le long de
la procession
Peut-être ne s'agit-il que d'une simple coïncidence?
Par ailleurs, les chapelles ponctuant actuellement
le circuit du Tour rappellent des "croix"
dans la mesure où plusieurs d'entre elles,
et spécialement les plus anciennes, évoquent
un épisode de la vie du Christ plutôt
que quelque fait ou personnage en rapport avec saint
Vincent. On sait enfin l'importance que l'évêque
de Liège garde en Hainaut tout au long des
10e et 11e siècles.
A proprement parler, le Grand Tour commence et se
termine en haut du faubourg d'Enghien. Le trajet qui
relie la collégiale au point de départ
de la boucle (à l'aller comme au retour) appartient
à une autre logique.
Durant l'ancien régime, le déplacement
des reliques vers le "sommet" du faubourg
d'Enghien ou leur retour vers la collégiale
était pris en charge et assuré par les
chanoines. On observera au passage que de tels déplacements
relevaient davantage, dans leurs formes et dans leurs
procédures, des cérémonies médiévales
de translation de reliques que du rituel des processions
proprement dites.
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