Autour de la "Maladrée"
Ici se situe le premier remaniement connu de l'itinéraire traditionnel du Grand Tour Saint-Vincent.
Le site où convergent la chaussée d'Enghien et la chaussée de Ghislenghien a fait l'objet de profonds bouleversements dans le courant des deux derniers siècles.
A l'origine s'ouvrait en ce point, au sortir du faubourg et au-delà de "la baille", tout un éventail de chemins. C'était évidemment chose normale pour un point élevé du relief, point placé, en outre, à la sortie de la "Ville".
Toutes les "carrières" (chemins destinés à l'usage des chariots) convergeaient naturellement vers "la baille", tant celle qui venait de Biamont que celles qui venaient de Chaussée-Notre-Dame et Cambron (par Longpont) d'une part, d'Horrues (par le Petit et le Grand Hubeaumel) de l'autre.
Remarquons que ces deux villages, Chaussée-Notre-Dame et Horrues constituaient les deux derniers points du triangle de la "Terre du chapitre", terre que l'on désignait sous le nom de "Prévôté de Soignies".
Le fait que le Neufbourg reliait directement ces deux villages à Soignies contribue sans doute à expliquer le développement précoce du "novus burgus" et l'orientation prise dans ce sens au moment de la plus ancienne urbanisation de Soignies.

Sitôt franchie la "baille", on se trouvait en dehors de la "franchise". La chapelle érigée en l'honneur de saint Vincent marquait bien ce passage.

Pour retrouver l'ancien chemin suivi par le Tour, nous devrions nous diriger vers l'actuel chemin du Fayt. Ce dernier se trouve juste à gauche des bâtiments de la gendarmerie. A l'entrée de la chaussée de Lessines, il s'ouvre immédiatement sur la droite.

  
  
  
  
Plan intéractif
Introduction
Le Tour commence au faubourg d'Enghien
Le monnument des reliques et la descente de la chasse
Au moment de quitter la collégiale
De la Grand-Place à la Senne
Le pont batteresse
Ancienne porte d'Enghien
Le Faubourg
La cense del Baille
Première chapelle et point de départ du Tour
Autour de la "Maladrée"
Biamont
La guélenne
Le chemin Saint-Landry
La chapelle du Bon Dieu de Gembloux à la chaussée de Braine
Le Marais Tilleriaux, chapelle et panégyrique
Sentier Cuvelotte
La vallée de la Caffenière
La chapelle Neunez
La chapelle de "Jésus garotté"
Chapelle Pipi Botte
Chapelle du Perlonjour
Les saudarts del Pint'coût'
Soignies-Carrières
La paroisse de l'Immaculée-Conception
Chapelle de l'école primaire des Soeurs Franciscaines
Carrefour du Trente Juillet
Dans le secteur de la chapelle Bergeret
La chapelle Bottemanne
Le château Wincqz
Les Trois Planches
Chapelle des Carmes
Le secteur le plus bouleversé de l'itinéraire du Grand Tour
Le Nouveau Monde
Moulin et chemin de Neufvilles
Chapelle André
Chapelle Ferbus
Retour au Faubourg
   
Le "Fayt" pose un problème de localisation. Prolongé, le chemin dit du Fayt conduit, certes, vers un hameau du village de Steenkerque connu sous ce nom. Ce hameau se trouvait sur le grand chemin de Soignies à Enghien (via Steenkerque).
Il semble cependant préférable de localiser le Fayt sur le territoire de Soignies. Et dès lors, dans le secteur dit "del Rouge", lieu-dit actuellement centré sur le point où la chaussée d'Enghien rencontre la Senne pour la première fois.
Le chemin du Fayt fut également connu sous le nom de chemin de la Sablonnière. Il est avéré que l'on extrayait le sable au bout de ce chemin, sur le territoire d'Horrues.

Revenons à l'entrée du chemin du Fayt.
Avant même qu'il ne se divise pour donner accès vers Biamont (à droite), se dressait un complexe architectural important connu sous le nom de "Maladrée". Comme en plusieurs autres localités, le terme désignait ici un endroit où l'on recevait les malades relevant de la communauté civile locale et, plus spécialement, ceux que l'on souhaitait écarter du groupe des bien-portants. La "Maladrée" est l'enclos réservé aux lépreux.
Le site de la "Maladrée" se composait d'une ferme, d'une chapelle, d'un vivier, de champs et, même, d'une aulnaie.
Le vivier se trouvait sur la gauche du chemin du Fayt (en venant de Soignies) et ses eaux étaient retenues par une levée de terre qui coïncidait avec le chemin du Fayt. L'eau s'écoulait de là vers un fossé que suit le chemin de Biamont et rejoint la Senne.
La maladrerie elle-même se composait essentiellement d'une ferme et d'une chapelle. La chapelle est attestée dès le 13e siècle. Elle était placée sous le patronage de la Sainte-Vierge. Elle fut utilisée durant tout l'ancien régime comme lieu de culte réservé aux malades. Occasionnellement, comme ce fut le cas en 1444, on y déposa le chef de Saint-Vincent.

La localisation de la "Maladrée" confirme encore, s'il en est besoin, l'importance du Neufbourg. Réservé aux lépreux et autres malades reconnus comme contagieux, le lieu se trouve nettement hors du bourg, mais à proximité immédiate de celui-ci et en bordure du chemin. La "Maladrée", terme que d'aucuns continuent à utiliser assez couramment aujourd'hui, se trouve en outre dans le prolongement géographique naturel de la communauté bourgeoise.
La ferme de la "Maladrée" a été démolie il y a une quinzaine d'années. Il s'agissait d'un vaste quadrilatère dont l'essentiel avait été rebâti à la fin du 18e siècle.
Les bâtiments de la "Maladrée" sont attestés de manière certaine au 14e siècle. Ils existent probablement dès le siècle précédent. On trouvait donc en cet endroit sous l'ancien régime une sorte de petite paroisse avec ses fidèles, ses maisons et son église … une paroisse pour les exclus de la communauté civile.
Il est probable qu'on y enterra les morts de la contagion et peut-être les victimes de la peste de 1348-1350.

Dans les environs immédiats de la "Maladrée" s'étendait le "Joncquois". Le terme évoque évidemment les joncs et les roseaux qu'on pouvait y trouver. Le Joncquois apparaissait en amont de la ferme de la Maladrée et se composait notamment d'un vivier.
Le chemin du Moulin à Vent, actuellement chemin du Tour, prenait son départ en face de la cense del Baille et traversait le Joncquois en amont de la Maladrée.

Une centaine de mètres au-delà de la Maladrée et de sa chapelle, le pèlerin de saint Vincent prenait à droite vers Biamont. Le chemin de Biamont existe toujours mais a été amputé d'un court tronçon entre le chemin du Fayt et la chaussée d'Enghien. L'alignement de ce tronçon correspondait à la limite arrière de la propriété de la gendarmerie. C'est la construction de la chaussée d'Enghien (vers 1800) qui entraîna plus ou moins rapidement la désaffectation de ce tronçon.
En théorie, s'il veut mettre ses pieds dans les traces des pèlerins de jadis, le pèlerin du Grand-Tour devrait aujourd'hui emprunter le chemin du Fayt avant de bifurquer vers la droite pour contourner la gendarmerie. Il se retrouverait ainsi tout naturellement dans le chemin de Biamont.

Nous ne poursuivrons donc pas nos investigations dans le chemin du Fayt. Signalons cependant qu'il formait, un peu plus loin, une nouvelle fourche. A droite, se continuait le chemin du Fayt. A gauche, commençait le chemin de la Malpensée, qui conduisait tout naturellement vers Horrues. Ce chemin témoigne encore de son ancienneté par les hauts talus qui le bordent sur une longue distance. C'est là un signe de l'important charroi qu'on y fit longtemps circuler (avant l'apparition des chaussées pavées, vers 1800).
Un peu plus loin, le chemin de la Malpensée se divise encore. Un embranchement apparaît sur la droite (chemin de la Lorette) qui conduit vers Chaussée-Notre-Dame et Cambron. On soulignera encore à propos de ce dernier village qu'il fut aussi sous la dépendance du chapitre de Soignies et que c'est en transitant par ce chemin que les pèlerins de cette localité (ceux-là même qui porteraient la châsse du "Chef') rejoignaient le Tour à son point de départ, en haut du faubourg d'Enghien.

Dès 1770, la carte de Ferraris montre les hauts talus qui marquaient chacun de ces chemins. Il faut voir là de nouveaux signes d'antiquité de ces tracés vicinaux.
A la fin du 18e siècle, on entreprit la construction des deux chaussées qui démarrent de la "Maladrée". On acheva d'abord la chaussée de Lessines. Elle transite par Ghislenghien et ouvre vers Grammont. Au début du 19e siècle, on réalisa, sur Steenkerque, le dernier tronçon inachevé de la chaussée d'Enghien.
Ces aménagements entraînèrent la disparition de la chapelle de la "Maladrée" et métamorphosèrent complètement l'aspect de tout le site dans lequel elle s'inscrivait.
A la fin du 19e siècle, on construisit une gendarmerie moderne à l'emplacement précis du point "stratégique" résultant de la convergence des anciens chemins et de la convergence des deux chaussées. A la veille de la première guerre mondiale, on envisagea même d'établir une caserne dans les environs immédiats de ces deux chaussées. Paradoxalement, ce fut la guerre qui porta le coup fatal à ce projet.
   
Première chapelle et point de départ du Tour
Biamont
  
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