Le
"Fayt" pose un problème de localisation.
Prolongé, le chemin dit du Fayt conduit,
certes, vers un hameau du village de Steenkerque
connu sous ce nom. Ce hameau se trouvait sur le
grand chemin de Soignies à Enghien (via Steenkerque).
Il semble cependant préférable de
localiser le Fayt sur le territoire de Soignies.
Et dès lors, dans le secteur dit "del
Rouge", lieu-dit actuellement centré
sur le point où la chaussée d'Enghien
rencontre la Senne pour la première fois.
Le chemin du Fayt fut également connu sous
le nom de chemin de la Sablonnière. Il est
avéré que l'on extrayait le sable
au bout de ce chemin, sur le territoire d'Horrues.
Revenons à l'entrée du chemin du Fayt.
Avant même qu'il ne se divise pour donner
accès vers Biamont (à droite), se
dressait un complexe architectural important connu
sous le nom de "Maladrée". Comme
en plusieurs autres localités, le terme désignait
ici un endroit où l'on recevait les malades
relevant de la communauté civile locale et,
plus spécialement, ceux que l'on souhaitait
écarter du groupe des bien-portants. La "Maladrée"
est l'enclos réservé aux lépreux.
Le site de la "Maladrée" se composait
d'une ferme, d'une chapelle, d'un vivier, de champs
et, même, d'une aulnaie.
Le vivier se trouvait sur la gauche du chemin du
Fayt (en venant de Soignies) et ses eaux étaient
retenues par une levée de terre qui coïncidait
avec le chemin du Fayt. L'eau s'écoulait
de là vers un fossé que suit le chemin
de Biamont et rejoint la Senne.
La maladrerie elle-même se composait essentiellement
d'une ferme et d'une chapelle. La chapelle est attestée
dès le 13e siècle. Elle était
placée sous le patronage de la Sainte-Vierge.
Elle fut utilisée durant tout l'ancien régime
comme lieu de culte réservé aux malades.
Occasionnellement, comme ce fut le cas en 1444,
on y déposa le chef de Saint-Vincent.
La localisation de la "Maladrée"
confirme encore, s'il en est besoin, l'importance
du Neufbourg. Réservé aux lépreux
et autres malades reconnus comme contagieux, le
lieu se trouve nettement hors du bourg, mais à
proximité immédiate de celui-ci et
en bordure du chemin. La "Maladrée",
terme que d'aucuns continuent à utiliser
assez couramment aujourd'hui, se trouve en outre
dans le prolongement géographique naturel
de la communauté bourgeoise.
La ferme de la "Maladrée" a été
démolie il y a une quinzaine d'années.
Il s'agissait d'un vaste quadrilatère dont
l'essentiel avait été rebâti
à la fin du 18e siècle.
Les bâtiments de la "Maladrée"
sont attestés de manière certaine
au 14e siècle. Ils existent probablement
dès le siècle précédent.
On trouvait donc en cet endroit sous l'ancien régime
une sorte de petite paroisse avec ses fidèles,
ses maisons et son église
une paroisse
pour les exclus de la communauté civile.
Il est probable qu'on y enterra les morts de la
contagion et peut-être les victimes de la
peste de 1348-1350.
Dans les environs immédiats de la "Maladrée"
s'étendait le "Joncquois". Le terme
évoque évidemment les joncs et les
roseaux qu'on pouvait y trouver. Le Joncquois apparaissait
en amont de la ferme de la Maladrée et se
composait notamment d'un vivier.
Le chemin du Moulin à Vent, actuellement
chemin du Tour, prenait son départ en face
de la cense del Baille et traversait le Joncquois
en amont de la Maladrée.
Une centaine de mètres au-delà de
la Maladrée et de sa chapelle, le pèlerin
de saint Vincent prenait à droite vers Biamont.
Le chemin de Biamont existe toujours mais a été
amputé d'un court tronçon entre le
chemin du Fayt et la chaussée d'Enghien.
L'alignement de ce tronçon correspondait
à la limite arrière de la propriété
de la gendarmerie. C'est la construction de la chaussée
d'Enghien (vers 1800) qui entraîna plus ou
moins rapidement la désaffectation de ce
tronçon.
En théorie, s'il veut mettre ses pieds dans
les traces des pèlerins de jadis, le pèlerin
du Grand-Tour devrait aujourd'hui emprunter le chemin
du Fayt avant de bifurquer vers la droite pour contourner
la gendarmerie. Il se retrouverait ainsi tout naturellement
dans le chemin de Biamont.
Nous ne poursuivrons donc pas nos investigations
dans le chemin du Fayt. Signalons cependant qu'il
formait, un peu plus loin, une nouvelle fourche.
A droite, se continuait le chemin du Fayt. A gauche,
commençait le chemin de la Malpensée,
qui conduisait tout naturellement vers Horrues.
Ce chemin témoigne encore de son ancienneté
par les hauts talus qui le bordent sur une longue
distance. C'est là un signe de l'important
charroi qu'on y fit longtemps circuler (avant l'apparition
des chaussées pavées, vers 1800).
Un peu plus loin, le chemin de la Malpensée
se divise encore. Un embranchement apparaît
sur la droite (chemin de la Lorette) qui conduit
vers Chaussée-Notre-Dame et Cambron. On soulignera
encore à propos de ce dernier village qu'il
fut aussi sous la dépendance du chapitre
de Soignies et que c'est en transitant par ce chemin
que les pèlerins de cette localité
(ceux-là même qui porteraient la châsse
du "Chef') rejoignaient le Tour à son
point de départ, en haut du faubourg d'Enghien.
Dès 1770, la carte de Ferraris montre les
hauts talus qui marquaient chacun de ces chemins.
Il faut voir là de nouveaux signes d'antiquité
de ces tracés vicinaux.
A la fin du 18e siècle, on entreprit la construction
des deux chaussées qui démarrent de
la "Maladrée". On acheva d'abord
la chaussée de Lessines. Elle transite par
Ghislenghien et ouvre vers Grammont. Au début
du 19e siècle, on réalisa, sur Steenkerque,
le dernier tronçon inachevé de la
chaussée d'Enghien.
Ces aménagements entraînèrent
la disparition de la chapelle de la "Maladrée"
et métamorphosèrent complètement
l'aspect de tout le site dans lequel elle s'inscrivait.
A la fin du 19e siècle, on construisit une
gendarmerie moderne à l'emplacement précis
du point "stratégique" résultant
de la convergence des anciens chemins et de la convergence
des deux chaussées. A la veille de la première
guerre mondiale, on envisagea même d'établir
une caserne dans les environs immédiats de
ces deux chaussées. Paradoxalement, ce fut
la guerre qui porta le coup fatal à ce projet.
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