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La
chapelle de "Jésus Garotté" |
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L'itinéraire
du pèlerinage suit ensuite le chemin des Mottes
(vers la droite) et rejoint le chemin de Nivelles.
Au moment où il atteint ce dernier, une huitième
chapelle apparaît.
Celle-ci présente la particularité,
comme la première chapelle au faubourg d'Enghien
ou comme la chapelle du Bon Dieu de Gembloux à
la chaussée de Braine, de se situer en bordure
de l'un des axes conduisant directement vers la collégiale,
ici, comme dans les deux cas cités, nous nous
trouvons à une distance constante par rapport
à notre point de départ. Cette "régularité"
fait sans doute de cette huitième chapelle
l'un des points majeurs de l'itinéraire que
constitue le Tour Saint-Vincent.
Chemin de Nivelles
Le chemin de Nivelles porte étonnamment bien
son nom. En le suivant (par monts et par vaux
mais ces derniers sont peu nombreux car le chemin
se maintient la plupart du temps sur les crêtes)
on arrive à Nivelles en passant successivement
par Profondrieu, la crête du bois de la Houssière
et Henripont. On franchit ensuite la Sennette à
Ronquières puis on se maintient sur les hauteurs
pour gagner Nivelles où l'on retrouve le "vieux
chemin de Soignies". En ville, la "rue de
Soignies" conduit directement à la collégiale
Sainte-Gertrude.
Quand on sait l'ancienneté parallèle
de Soignies et Nivelles, il est bien tentant de considérer
ce chemin comme une très ancienne voie de circulation
à caractère régional. Les accidents
géomorphologiques qu'il rencontre semblent
confirmer son caractère "primitif'.
Toutefois, dans le cadre de l'évolution de
la toponymie locale, le premier tronçon du
chemin de Nivelles (entre la rue Neuve et l'autre
versant du vallon de la Caffenière) se distingue
fondamentalement du chemin de crête dont nous
venons de dessiner les grands axes. De ce point de
vue, ce premier tronçon mérite davantage
le nom de "chemin de la Caffenière",
"chemin du Ferkenois" ou "chemin de
la Berlière". Si on suit ce premier axe
en maintenant toujours le cap qu'il indique, on néglige
bien vite le chemin de Nivelles proprement dit pour
prendre la direction de Naast.
On peut sans doute reconnaître là le
résultat d'une modification des pratiques anciennes
de circulation et d'un changement de hiérarchie
entre des itinéraires traditionnels.
On n'est, à proprement parler, sur le chemin
de crête de Nivelles qu'une fois sorti du petit
vallon de la Gage. Il faut alors quitter le chemin
de la Berlière pour prendre un embranchement
vers la gauche.
Ici comme ailleurs, bien des chemins ont sans doute
précédé les agglomérations,
même quand celles-ci n'étaient encore
qu'au stade des abbayes mérovingiennes.
Quoi qu'il en soit, le chemin de Nivelles, dans le
tronçon que le Tour rencontre en même
temps que la huitième chapelle, est signalé
sous ce nom, concurremment à d'autres, dès
le début du 15e siècle. C'est donc que
des voituriers l'avaient choisi et l'utilisaient dès
ce moment pour effectuer leurs transports et leurs
déplacements entre la cité de sainte
Gertrude et celle de saint Vincent. Ce chemin évitait
le passage par la ville de Braine-le-Comte et permettait
d'échapper en bonne partie à la difficile
traversée de la butte et du bois de la Houssière.
Jésus garotté
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La
huitième chapelle du Tour est placée
sous le patronage du Christ. C'est là
un phénomène récurrent
déjà souligné dans le cadre
de l'analyse de la chapelle du Bon Dieu de Giblou.
Si elles ont effectivement existé, il
se trouvait vraisemblablement ici une des bancroix
dont il a été question dans l'introduction.
Cette chapelle est entièrement en pierre
bleue et ressemble à celle du chemin
Saint-Landry. Sur un socle massif, mais moins
élevé, est bâtie une niche
dans laquelle on peut voir un haut-relief représentant
deux personnages qui tiennent le Christ. Celui-ci
a les mains liées par-devant. L'inscription
est "lapidaire" : "Jésus
garroté". Dans les deux coins de
la pierre, on lit en caractères minuscules
: "Par Nicolas Legros, père, à
Soignies, l'an 1819".
L'élégance de cette chapelle était
naguère rehaussée par deux grands
et vieux peupliers d'Italie, Ils ont tous deux
été abattus dans une même
tempête, voici quelques années.
La tradition des arbres jouxtant des chapelles
est séculaire. Elle se manifeste dès
le moyen âge et laisse entrevoir dans
certains cas un glissement ou une hésitation
du culte entre le ou les arbres d'une part et
la statue ou la chapelle de l'autre. Dans bien
des cas, le clergé a pris l'initiative
de la construction de chapelles pour dévier
des comportements de culte mal détachés
de sentiments de type animiste.
Les peupliers abattus ont été
remplacés, à l'initiative du maître
de la confrérie, par deux chênes.
Un nouveau cycle séculaire est en cours.
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Chapelle de Jésus garotté
à l'époque où
elle était entourée de
deux grands peupliers
(dessin : Albert delaunois, vers 1930)
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La
ligne Bruxelles- Mons
Les pèlerins prennent à gauche et suivent
le chemin de Nivelles. Toute l'urbanisation que ce
chemin rencontre est le fruit d'une évolution
récente. Au 19e siècle, l'endroit était
encore particulièrement "champêtre".
On s'éloignait de nouveau ici de l'agglomération
urbaine proprement dite. Une partie de la campagne
voisine était d'ailleurs dite "des Quatre
Vents".
C'est dans ce secteur que le Tour rencontre la voie
ferrée qui joint Mons à Bruxelles.
Cette voie, l'une des plus anciennes du pays, fut
mise en service en 1841. Un peu au-delà du
passage à niveau se trouve, vers la gauche,
l'embranchement du (véritable !) chemin de
Nivelles. A partir de ce point, ce dernier se maintiendra
longuement sur la crête qui sépare le
rî de la Caffenière du rî du Bercely
avant de plonger vers Profondrieu et de franchir le
premier cité.
Le défrichement qui a fait de ce secteur un
vaste ensemble de terres arables paraît avoir
été mené de manière assez
systématique. Les parcelles sont particulièrement
grandes. Nous nous rapprochons en même temps
des terres relevant du territoire communal de Braine-le-Comte.
Gage et Bercely
Les pèlerins laissent sur la gauche l'assiette
proprement dite du vieux "chemin de Nivelles"
et la crête que nous venons d'évoquer.
Ils entament dans le même temps une descente
dans le vallon formé par un autre affluent
de la Senne, le Bercely (ou Perlonjour).
Gage et Bercely dégagent, du fait de leur parallélisme,
une longue crête régulière qui
les sépare. Ce fut manifestement l'axe suivi
par les mises en culture dès le moyen âge.
C'est dans le creux de chacune de ces vallées
que les exploitations agricoles se multiplient.
Le toponyme "Ferquenoy" trahit la présence
d'une plantation de chênes. Ce terme n'est plus
guère utilisé à l'heure actuelle.
Il désignait un endroit se trouvant légèrement
en contrebas.
Le chemin du Tour ne se prolonge pas dans le sens
du chemin de la Berlière mais bifurque vers
la droite et correspond à partir de là
au "chemin du Tour, dit du Lette" ou "chemin
Tour-Lette".
Cense de l'lnviolata
Un peu au-delà de ce carrefour se dresse, vers
la gauche, la ferme dite de "l'lnviolata".
il s'agissait de l'une des très rares exploitations
agricoles dépendant autrefois directement du
chapitre Saint-Vincent. Malgré sa forme curieuse,
le nom de cette exploitation agricole s'explique aisément
: Jacques de Cotthem, prêtre, chanoine de Soignies
"
a donné au chapitre une ferme
et ses dépendances au Ferquenoit, à
condition de chanter, chaque dimanche, l'antienne
"Inviolata" (15e siècle).
Au coin du chemin de la Berlière et du chemin
Tour-Lette se dressait au 18e siècle (d'après
la carte de Ferraris) une chapelle dont toute trace
a disparu. On plante encore un "foya" à
cet endroit le samedi précédant la Pentecôte.
Juste en face se dresse une maison basse et allongée
dont les murs sont encore partiellement en terre battue.
Cette maison a été édifiée
selon la technique dite de la "bauge". Ses
murs se composent d'assises superposées et
travaillées selon les procédés
du façonnage direct de l'argile crue. Derrière
l'enduit cimenté, ce matériau traditionnel
ne se laisse pas deviner.
Les pèlerins atteignent ainsi le point du Tour
où les deux tours de la collégiale paraissent
alignées. Selon l'expression commune et chaque
année répétée par les
pèlerins, tant ceux du samedi que ceux du lundi,
cette configuration indique que l'on se trouve à
la moitié du "Tour".
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